12 Octobre 2015
Le Mouvement Visual Kei
Pour la rubrique Hors les Murs, je reviens pour proposer désormais quelques chroniques au sujet d’un mouvement culturel qui nous vient du pays du Soleil Levant.
Il ne s’agit pas à proprement parler, de musique, néanmoins, certains musiciens sont et/ou se veulent emblématiques du genre.
Il s’agit de Visual Kei. Encore peu connu dans nos campagnes, quoique ce mouvement touche de plus en plus la jeunesse française, elle est principalement véhiculée par les adeptes de mangas. Pour moi, qui suis amateure de butô, cette danse macabre minimaliste issue du théâtre Nô et Kabuki et née au lendemain de l’explosion de la bombe atomique pour en exorciser les horreurs, le lien entre le VK et ces traditions japonaises est évident.
Comme son nom l’indique, l’axe majeur de ce mouvement consiste en la recherche d’une esthétique visuelle, à ne pas confondre toutefois avec le mouvement cosplay auquel on l’amalgame souvent.
Selon les codes du théâtre Kabuki, les hommes adoptent une apparence androgyne, vêtus dans les kimonos traditionnels de femmes. Né fin des années 80, cette tradition s’est peu à peu perdue, donnant à voir aujourd’hui des « visualeux », certes toujours androgynes, toujours arborant un style visuel éclatant, mais dont on distingue moins aisément aujourd’hui le lien avec les racines kabuki.
Le rapport avec la musique ? Un slogan figurant sur l’album Blue Blood du cultissime groupe X Japan : « Psychedelic violence crime of visual shock », slogan qui donna une nouvelle dynamique à ce mouvement nommé Visual Kei par la revue Shoxx, déjà nommé ainsi par le rédacteur en chef Seiichi Hoshiko pour désigner la vague d’artistes inspirés par les groupes gothiques et métal de l’époque.
Depuis, le mouvement a donné lieu à un déferlement d’artistes d’horizons musicaux bien différents, chacun des groupes visualeux passant aussi bien d’une chanson pop à un métal hardcore. Souvent aussi, de nombreux groupes donnent à voir un attachement certains à l’Histoire de France, plus particulièrement à la période Renaissance. De nombreuses années, le visual kei a été porté sur scène par des groupes de garçons androgynes vêtus de robes de princesse ou de l’habit traditionnel féminin japonais, les tendances vestimentaires commencent aujourd’hui à sortir des codes, tout en conservant cet impact visuel, et surtout, on commence à voir des groupes de filles à émerger de place en place.
Il semble qu’il n’y ait plus aujourd’hui de règles vraiment observées puisque tout style visuel et musical semble y être représenté, même si l’on constate une dominante métal. Néanmoins, on constate que de nombreux groupes n’ont fait que traverser cette « phase » comme une étape de leur évolution scénique.
Toutefois il convient de noter qu’il est sans doute indispensable de saisir les codes culturels de ce mouvement pour savoir l’apprécier, notamment une forme d’humour décalé et un côté un peu roman-photo à l’eau de rose, fréquent en Asie.
Un reproche récurrent fait aux visualeux réside dans le côté patchwork de leurs créations, faisant aisément cohabiter musique classique, pop, transe, gothique… et une fragilité de transition des mouvement, souvent brutales, mais qui contribue dans le même temps à un effet de surprise volontaire.
Nombre d’entre eux ont également réalisé la musique de mangas ou jeux-vidéos, d’autres donnent quelques émissions de télévision… mais l’importance visuelle se poursuit jusque dans les clips, où l’on voit une réelle recherche de l’esthétique visuelle, une sorte de contraste entre beauté et violence.
Et sur scène… ils nous projettent dans une autre histoire…
X-Japan
Le groupe culte de la scène musicale japonaise !
Après avoir expérimenté plusieurs groupes au collège, Toshi, chanteur qui se destinait à des études de médecine, et Yoshiki, auteur-compositeur-interprète, multi-instrumentiste, se retrouvent en 1982 autour du groupe X. La première démo, « I’ll kill you », 1985, se vend à un millier d’exemplaires. Yoshiki crée ensuite, aidé par sa mère, son propre label indépendant, « Extasy Record » et produit un nouveau titre, Orgasm.
Guitaristes et bassistes se succédent jusqu’en 1987, quand Pata et Hide rejoignent le groupe. La forme définitive se constitue donc de Yoshiki (batterie), Toshi (chant), hide, prononcer Hidé, de Hideto, sans majuscule, coiffeur diplomé émérite (guitare), Pata (guitare) et Taiji (basse).
Le groupe devient de plus en plus populaire et sort un album en 1988, "Vanishing Vision"
En 1989, c’est la consécration avec la sortie de Blue Blood par Sony avec 600 000 ventes, du jamais vu pour un groupe de ce type au Japon. C’est alors qu’X a lancé la dynamique Visual Kei lorsqu’il fait figurer sur cet album, son fameux slogan : « Psychedelic violence crime of visual shock », sans doute dans le ton des coiffures si réputées de hide et un style provocateur qui sera ensuite repris par les amateurs de VK. Le style musical, influencé par Kiss est de dominante métal mais très imprégné par la formation classique de Yoshiki, et ses ballades.
Le groupe travaille ensuite pour le projet Art of Life, mais celui-ci ne sera pas abouti en raison de l’état de santé de Yoshiki blessé sur scène lors de la promo de Blue Blood.
Jealousy sort en 1991, véritable succès.
Quelques dissensions, et Taiji éloigné des tendances musicales et vestimentaires du groupe, le quitte en 1992 et est remplacé par Heath. A la même période, ils signent chez Atlantic (MMG, Warner Music Japan). En effet, Yoshiki étant souffrant, il impacte la fréquence des enregistrements et Sony refuse de signer un nouveau contrat.
Après une tentative vaine pour gagner le public américain, le groupe opte pour le nom X-JAPAN, X étant déjà utilisé là-bas.
En 1993, le projet Art of Life voit enfin le jour et remporte le même succès que précédemment, même s’il est considéré peu convaincant et surtout très éloigné de la couleur habituelle du groupe, flirtant avec un rock progressif 70’s, un seul thème, une seule chanson de 30 mn, 4 ans de travail acharné.
hide, Pata, et Heath explorent de nouveaux horizons en solo. 1995, Warner Music Japan, impatiente car elle n’a rien produit depuis Jealousy, se concentre sur la vente de produits dérivés.
1996 enfin, Dahlia sort, une dimension musicale nouvelle, Yoshiki ne pouvant désormais plus s’adonner au speed métal, la douleur étant trop forte, il offre une musique davantage emprunte d’une couleur sentimentale. Tochi en 1997 dénonce ses divergences musicales - ou bien était-il manipulé par la secte qu’il a finalement rejointe avec son épouse-et quitte le groupe. Lors de The last Live, le concert d’adieu au Tokyo Dome, où ils joueront « the last Song » composée par Yoshiki, les membres restant annoncent la fin du groupe et une renaissance possible pour 2000.
Concernant Toshi, l’histoire semble corroborer une manipulation orchestrée par sa femme et son gourou pour le contraindre à rejoindre la secte. Frappé, manipulé, isolé, extorqué, Toshi tente de s’enfuir une première fois lors d’un enregistrement, la secte ne goute pas ses relations avec les membres d’X Japan. En 2009, il décide enfin définitivement de la quitter, craignant d’être tué ou revendu à la Mafia. En 2014, il révèle cette douloureuse expérience en publiant un livre.
Quelques mois après la séparation du groupe, survient le décès de hide, le 02 Mai 1998, alcoolisé puis retrouvé pendu à une serviette, suicide ou accident, ses proches, collègues, famille, amis indiquent qu’il se suspendait souvent à une serviette pour détendre ses muscles du cou et du dos endoloris par le port de ses guitares. Son décès a terriblement impacté les fans, une procession de 5 km pour venir saluer son corps, suicides par centaine, hospitalisations, certains allant jusqu’à se taillader les veines sur sa dépouille pour le rejoindre, au point que le temple ne sera plus accessible. Les membres du groupe saluèrent hide pour la dernière fois en interprétant le titre « Forever Love ».
Au passage du corbillard, la foule devenait hystérique. Plusieurs jours encore après la cérémonie les fans sombraient dans une sorte de folie au point que Yoshiki intervint pour leur demander de reprendre leurs esprits. Un musée fut construit à Yokosuka afin d’honorer sa mémoire, voyant se succéder des milliers de fans, puis fut fermé en 2005 pour raisons financières. Son frère organise toujours annuellement le « hide memmorial summit » pour saluer son souvenir. A l’occasion de cet évènement international des groupes japonais se donnent en concert, et accueille une grande quantité de fans, venant avec leur poupée à l’effigie de hide ou des guitares ressemblant aux siennes.
En 2007, X Japan renait, Toshi et Yoshiki travaillent de nouveau ensemble sur un titre de l’album solo de Yoshiki, puis réalisent un clip pour le titre IV, qui apparaît dans le film Saw IV. De nouveaux titres en projet, de nouveaux concerts programmés en 2008. Les guitaristes se succèdent pour remplacer Hide : Wes Borland ( Black Lights Burns), Richard Fortus (Guns’n Roses), Sugizo, mais l’esprit de Hide étant si prégnant, que tous trois se trouvèrent éclipsés du groupe : des vidéos de lui furent projetées, des pistes utilisées en fond sonore, des hologrammes du défunt…
2008, X Japan se destine à des tournées internationales, dont les U.S.A, la France, l’Asie, mais la santé fragile de Yoshiki cumule les reports de dates.
2009, Sugizo (Luna Sea) est définitivement assimilé membre de X Japan qui prépare un nouveau morceau, Jade. La santé de Yoshiki s’aggrave en raison de son intense jeu de batterie, et se trouve hospitalisé. 2010, Hollywood, quatre clips, et la France, enfin, pour la Japan Expo, en show case acoustique, après le report de plusieurs concerts en raison de la santé de Yoshiki, puis Los Angeles, Oakland, Seattle, Vancouver, Chicago, Toronto et New York la même année, enfin les retrouvailles avec Taiji qui joue auprès des autres membres au Yokohama Nissan Stadium.
2011, ils tournent en Europe, notamment au Zénith de Paris. La même année, Taiji, l’ancien bassiste, se suicide.
En 2014, ils créent un best of à l’occasion de leur 25° anniversaire : The World ~X Japan Hatsu no Zensekai Best~ et donnent un concert à New York.
Chronique : Zénaïde Caffet